Starsheep ~ Douceur ~ p.4 [Littlefée Luna]

Son poil était doux comme de la soie et brillant comme du marbre de Thassos. Ses sabots fauves émettaient un "pataclop" rassurant à chaque pas, berceuse pour les pèlerins en plein voyage, ou pour les bergers des pâturages voisins. Le joli son de sa clochette allant et venant contre son poitrail rond émerveillait les enfants et rassurait les plus peureux des villageois. Entendre ce grelot tinter avait quelque chose de charmant : l'on pouvait alors errer tranquillement. Mais ce qu'il y avait de plus remarquable chez lui, étaient ses yeux émeraudes qui le différenciaient de tout le reste de son troupeau. Malgré ce don de la nature, il avait hérité d'un caractère controversé et difficilement gérable. C'était un petit mouton fort singulier, têtu, insouciant et ignorant pleinement le danger.


Sa longue crinière noire était une cascade de jais. Ses grands yeux intelligent, noirs comme une hématite embrassaient l'univers tout entier. Son petit corps menu, ses pas agiles en faisant un chasseur redouté. De par son jeune âge elle impressionnait déjà par sa sagesse et sa maturité. Nokomis -fille de la lune-, était une petite indienne ingénieuse, rusée et patiente. Elle avait entendu parler du mouton aux yeux émeraudes, et en fit sa priorité.

Nuits et jours elle observa chacun de ses mouvements, repéra les points d'eau où l'animal se désaltérait, les cachettes où il se reposait, ainsi que le chemin qu'il parcourait pour retrouver son pâturage. C'est par une journée chaleureuse et ensoleillée, alors que la bête cherchait à boire, que Nokomis décida de la traquer. Une peau de brebis sur la tête, elle la suivit. Bien tapie dans les feuillages, elle observa, émerveillée, les deux émeraudes de l'agneau tout en réfléchissant à une stratégie. Puis elle s'avança doucement vers lui.
Ce dernier fut fort surpris de voir un de ses semblables émerger soudainement de la flore qui l'avait caché, bien qu'il le trouva fort différent du reste du troupeau. Il lui pris alors l'idée de se comparer à ce nouveau venu, puisqu'ils semblaient tous deux être unique, chacun à leur façon.

La petite chasseuse lui parla longuement dans sa langue à lui, et choisit bien ses mots pour le charmer, lui montrant par ailleurs la douceur du pelage qu'elle portait sur le sommet de sa tête. Ils restèrent longtemps ainsi, et on ne revit jamais le mouton.

Certains disent que son imprudence l'a perdu et que l'enfant l'a enlevé dans le but même de le manger. Moi, je préfère penser qu'elle s’amouracha de ce nouvel ami, et qu'ils ne se quittèrent plus, se racontant leurs histoires respectives dans ce coin reculé et dense où ils firent connaissance.
On entend toujours certaines nuits, d'ailleurs, le son mélodieux d'une jolie clochette accompagnant le "pataclop" entêtant de petits sabots.