[Fragment d'Etoiles] Qui es-tu ? ♥ (Quatuor) p.9

Le cadeau
"Parfois, je me disais qu'il ne m'aimait pas. Qu'il m'avait choisie comme l'on choisit un chiot ou un chaton : pour se tenir compagnie et tromper l'ennui de l'éternité. D'autres fois, je songeais que je n'étais même pas un chiot : tout juste une présence qui semblait tour à tour l'agacer ou simplement l'indifférer. Je ne l'avais jamais vu sourire, de tout ce temps aléatoire et infini qui était le nôtre. J'avais apprit, jour après jour, à faire mon deuil de toutes ces choses que j'aurais pu vouloir : un foyer stable, un endroit à moi, des amis, des études même peut-être... Mes possessions terrestres étaient... inexistantes. Tout comme ma propre existence : avais-je encore une identité ? Etais-je seulement encore Louisa ou un simple spectre qui ne pouvait se résoudre à quitter ce monde ? Avais-je seulement encore quelque chose à faire ici-bas ou allais-je errer en vain durant des éons ?

J'avais pleuré longuement. Recroquevillée dans un recoin de parc où quelques rares familles s'attardaient malgré le soir descendant. Deux ados fumaient dans un coin avec des airs de grand conspirateurs. Personne ne faisait spécialement attention à moi. Max était... Je ne savais où. Et moi, je goûtais toute l'amertume de ma condition. Je ne savais pas même ce que j'étais. Qui j'étais encore.

"Tu es... spéciale."
Sa voix dans ma tête, familière. Comme un écho un peu lointain. Je relevais la tête comme un chien à l'entente de son maître mais il n'était pas en vue.
"Tu es... un fragment. Non..."
Maximilien apparut à mes côtés, comme s'il avait toujours été là, adossé à ce vieux mur qui jouxtait le banc où je m'étais réfugiée. Il naquit des ombres même sur la pierre crépie, se formant en quelques instants jusqu'à ce que son corps soit tangible. Je le vis soupirer, quelque chose de blanc entre les bras. Une peluche ? Je relevais vers lui des yeux sceptiques mais il se contenta de me la tendre.
"Non, pas qu'un fragment..." Il secoua la tête. "Plus : un éclat inestimable dans l'obscurité."
Sa voix pour une fois, avait été audible. Je séchais mes pleurs d'un revers de la main, laissant un sourire l'emporter lorsque je serrais contre mon coeur le présent qu'il m'avait fait. Je n'y tint plus : je m'élançais pour l'enlacer. La douloureuse éternité m'était égale : il était avec moi."