[Haunted] (Elfdoll Vivien) Melancolic Ophelia (p46)

Le ressac de toujours poursuit âprement l’érosion de la falaise escarpée. Il s’élève à son sommet, temple isolé à la blancheur d’albâtre, impénétrable lieu de culte oublié de tous. Prêtresse d’un Dieu des temps anciens, se souvient-elle de son humanité ?
Peut-être est-ce l’appel d’une fleur fanée, ou la marée annonciatrice d’une nouvelle ère qui a fait retentir son cœur, perclus dans sa poitrine immortelle.
Elle a perçu la prière muette d’une âme errante de par le monde. Une âme souffrante, évoquant la douceur et la déchéance d’une fleur piétinée.

Son pied solide et glacé s’écrase sur la pierre poussiéreuse, l’engourdissement chatouille ses muscles figés depuis des siècles. Une statue mouvante, gracieuse et redoutable. L’obscurité opaque du sekos se dilue face au ciel qui jette ses feux dans le péristyle, jouant de ses ombres entre les colonnes survivantes.
Le jour tombe et elle se hâte, elle désire voir les derniers rayonnements sur la mer. Ses membres gagnent en aisance alors qu’elle descend les rochers abrupts qui arrachent les lambeaux restants de sa robe. Bientôt, ses pieds retrouvent le petit chemin pierreux qui mène vers les terres. Une odeur de sang la guide vers la barrière de bois à l’orée du sentier. Il est gardé. L’homme lui tourne le dos, protégeant l’accès des falaises redevenues sauvages. Comme ses vêtements sont étranges !
D’une matière et de couleurs qu’elle n’a encore jamais vues. Son cœur bat tranquillement, de coups sourds qui éveillent son âme prédatrice. Il suffit d’une impulsion, vive et brute, et voici la tête du malheureux à demi arrachée, pendante dans sa poigne de fer. Le sang fuse, sauvage et chaud, éclaboussant la terre, marquant son visage blanc. Sa force longtemps enfouie exulte. Les couleurs lui reviennent alors que le corps, horriblement saccagé de l’homme, glisse à terre, réceptacle anonyme perdu dans sa mare de sang. Elle respire amplement à nouveau.

Son regard se tourne alors vers la plage non loin. Le monde est désert et le crépuscule guette. Les mouettes jettent dans l’air des cris vers la mer. Les embruns parfument le rivage, le ressac chante. Sous ses pieds, le sol se fait doux, instable, mais c’est la mer qui se mirent dans ses yeux brillants. Elle est éveillée pour les siècles des siècles à venir, plus rien ne peut la retenir désormais, sauf peut-être le spectacle du soleil couchant qui s’étend, colore l’océan et le nimbe d’or.
Elle rayonne, cœur ardent tendu vers le large, bientôt elle s’en ira rejoindre cette âme qui souffre. « Armel »